Cachez cette mort que je ne saurais voir
Yazının Türkçe versiyonu:Görmek istemediğimiz ölümleri saklayın!
Le Covid nous rappelle la réalité de ces chiffres, il en fait ressurgir la matérialité dans leur douloureuse réalité. Non, la mort n’est pas que pour les autres, elle est aussi pour nous, même si notre société met tout en place pour que nous l’oubliions.
L’un des aspects les plus frappants de la pandémie du Coronavirus est qu’elle interroge le rapport que nous avons avec la mort. En effet, comme bon nombre de grandes catastrophes, la pandémie fait ressurgir au sein de nos vies ce que nous savons depuis toujours mais que nous essayons de toutes nos forces d’oublier : un jour, il nous faudra mourir.
En d’autres termes, la pandémie a fait réapparaître, dans une civilisation qui, de par ses progrès scientifiques et technologiques, se croyait à l’abri de tout danger, le spectre grimaçant de l’impensable.
Ainsi donc, avec le Covid, nous nous rappelons qu’un minuscule organisme invisible peut nous enlever nos proches, nos amis et en dernier recours notre vie même. Cela est d’autant plus traumatisant pour les pays occidentaux que la mort, tout comme la guerre ou la violence, nous ne la voyions plus depuis longtemps. En effet, depuis la fin de la seconde guerre mondiale, l’Occident a exporté tous ses conflits et sa violence à sa périphérie. Si les conflits armés et leur cortège d’images sanglantes avaient bien, jusqu’à la guerre en ex-Yougoslavie, déserté les terres européennes, les guerres faisaient rage chez nos voisins, ce que nous avons accueilli le plus souvent avec indifférence.
Ainsi s’est construite, dans les pays d’Europe occidentale, l’illusion d’un monde sans violence, aseptisé, sûr, illusion renforcée par le fait que, ces dernières décennies, la civilisation occidentale a relégué la mort, la souffrance et la violence dans le champ d’un ailleurs géographique et psychique. Pour l’exprimer en termes plus simples, la mort, la souffrance, la maladie, la violence, ce n’est jamais pour moi, c’est toujours pour les autres, que ces autres soient les personnes âgées, les patients avec comorbidités, les syriens, les irakiens, toutes ces personnes que nous avons regardé avec indifférence mourir dans les reportages des bulletins d’informations quotidiens.
Hier justement, j’ai eu l’occasion de regarder une série de reportages sur la guerre en Irak. Un flot ininterrompu de violences et de traumatismes et des images d’une crudité inouïe : victimes d’attentat déchiquetés par les bombes, exécutions massives de prisonniers d’une balle dans la nuque, décapitations, cadavres pourrissant dans les tranchées ou les fosses communes.
Parmi les possibles de la vie sur terre, il y avait donc aussi l’enfer. Ces images me l’ont rappelé. Mais cet enfer étant loin de nous, il nous était la plupart du temps indifférent et se limitait à des chiffres. 35 morts dans tel attentat, 70 dans tel autre, 150 ici, 300 là-bas…
Le Covid nous rappelle la réalité de ces chiffres, il en fait ressurgir la matérialité dans leur douloureuse réalité. Non, la mort n’est pas que pour les autres, elle est aussi pour nous, même si notre société met tout en place pour que nous l’oubliions.
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