“L’ABATTAGE AVEC ÉTOURDISSEMENT PRÉALABLE NE S’OPPOSE PAS À LA LIBERTÉ RELIGIEUSE”
Yazının Türkçe versiyonu:ŞOKLA KURBAN KESİMİ İNANÇ ÖZGÜRLÜĞÜNE ENGEL DEĞİL Nederlandse versie van dit artikel: SLACHTEN MET VOORAFGAANDE VERDOVING IS NIET IN STRIJD MET DE GODSDIENSTVRIJHEID
- UN DEBAT QUI N’EN FINIT PAS : L’ABATTAGE AVEC OU SANS ETOURDISSEMENT PREALABLE!
- QUEL EST L’ABATTAGE HALAL SELON LES PRINCIPES ISLAMIQUES?
- QUELLES SONT LES CONCEPTIONS DE L’ISLAM CONCERNANT L’ETOURDISSEMENT?
- GAIA PREND-ELLE POUR CIBLE LA COMMUNAUTÉ MUSULMANE?
- QUELLES SONT LES CONCEPTIONS DE L’ISLAM CONCERNANT L’ÉTOURDISSEMENT?
- SI LA METHODE DE L ELECTRONARCOSE DEVIENT PLUS FIABLE ELLE PEUT OFFRIR UNE SOLUTION
- CONCERNANT L ABATTAGE APRÈS ÉTOURDISSEMENT, QUE CONTIENT LA FATWA DU MINISTÈRE TURC DES AFFAIRES RELIGIEUSES?
La Cour de Justice de l’Union Européenne, dans la décision consultative qu’elle a rendue au mois de décembre, affirme que “dans le cadre du bien-être animal, l’abattage sans étourdissement préalable, même pour des raisons religieuses, pourra être interdit”. Avec cette décision non contraignante motivée par le bien-être animal, la Cour de Justice de l’Union Européenne a ouvert la porte dans les pays européens à l’interdiction de l’abattage sans étourdissement même dans le cadre des pratiques religieuses. Suite à cette décision, en Belgique, la question de l’abattage rituel avec étourdissement est revenue à l’ordre du jour. En tant que Binfikir, nous avons décidé d’approfondir la question et avons donc interrogé à ce sujet Şemsettin Uğurlu, président du Conseil des Théologiens de l’Exécutif des Musulmans de Belgique ainsi que Michel Vandenbossche, président de l’association de défense des animaux Gaia. Nous proposons en trois langues, français, néerlandais et turc, notre reportage autour de cette question épineuse remise sur le devant de l’actualité suite à la décision de la Cour de Justice de l’Union Européenne.
Que signifie pour l’Islam l’abattage après étourdissement? Que sont la narcose, l’électronarcose, cette méthode appliquée dans les pays où l’abattage sans étourdissement préalable est interdit? Pourquoi l’Islam s’oppose-t-il à l’étourdissement? Le but de Gaia est-il d’empêcher que la communauté musulmane vive librement sa foi? Pourquoi les représentants de la communauté musulmane et les défenseurs des droits des animaux n’arrivent-ils pas à trouver un accord?…Vous trouverez dans notre reportage les réponses à toutes ces questions.
La situation actuelle en Belgique concernant l’abattage après étourdissement
En Belgique, suite à des années de débats, c’est la Région walonne qui la première a pris la décision d’interdire l’abattage sans étourdissement préalable. Cependant, ce n’est que le premier septembre 2019 que cette décision commença d’être appliquée après que la Région Flamande mit en application cette même décision en janvier 2019. Quant à la Région Bruxelloise, elle n’a pas encore pris de décision à ce sujet. C’est précisément la raison pour laquelle les regards se tournent à présent vers Bernard Clerfayt, le ministre responsable des droits des animaux pour la Région Bruxelloise.
En 2017, 55 associations religieuses des communautés musulmanes et juives ont introduit auprès de la Cour Constitutionnelle une plainte contre l’interdiction de l’abattage sans étourdissement préalable au motif qu’elle “est une atteinte à la liberté religieuse”. Avant de rendre sa décision, la Cour Constitutionnelle a demandé une décision consultative à la Cour de Justice de l’Union Européenne. Celle-ci, en décembre 2020, a rendu sa décision qui affirme que “pour le bien-être des animaux, l’abattage sans étourdissement préalable pourra être interdit”. La Cour de Justice de l’Union Européenne ajoute également que “pour que le bien- être des animaux soit assuré, on peut proposer aux groupes religieux des méthodes d’étourdissement permettant à l’animal de continuer à vivre s’il n’est pas abattu ensuite comme c’est le cas dans certains pays.”
Revue trimestrielle Binfikir/ Reportage du numéro avril-mai-juin 2018:
UN DEBAT QUI N’EN FINIT PAS : L’ABATTAGE AVEC OU SANS ETOURDISSEMENT PREALABLE!
Cela fait environ 10 ans que la question de l’abattage après étourdissement est débattue en Belgique. L’Exécutif des Musulmans de Belgique, qui représente la communauté musulmane de notre pays, s’oppose à l’abattage avec étourdissement préalable en disant que celui-ci n’est pas conforme avec le rituel islamique. D’un autre côté, l’association de défense des droits des animaux Gaia mène des campagnes pour l’abattage des animaux sans douleur et exerce des pressions sur le pouvoir politique pour que l’abattage sans étourdissement préalable soit interdit. La communauté musulmane, quant à elle, a l’impression d’être la cible particulière des campagnes menées par Gaia à la veille de la fête du sacrifice. L’Exécutif des Musulmans de Belgique considère que le vrai but de Gaia n’est pas de défendre les droits des animaux mais de présenter l’Islam comme une religion qui n’accorde pas d’importance aux droits des animaux et leur fait subir de mauvais traitements. Conséquemment, l’Exécutif ne trouve pas utile d’entrer en contact avec Gaia. Gaia considère réciproquement que les leaders de la communauté musulmane ne font pas assez d’efforts pour la protection du droit animal et de ce fait contribuent à ce que les musulmans soient perçus comme une “communauté n’accordant pas d’importance au bien-être animal”. En tant que Binfikir, des conversations que nous avons eues dans la communauté turque concernant cette tension qui se vit avant chaque fête du sacrifice, il ressort que ce problème “serait un problème théologique et que seuls les théologiens devraient répondre à cette question”. Nous avons donc décidé de discuter à fond cette question avec Şemsettin Uğurlu, vice-président du Conseil des Théologiens musulmans ainsi que Michel Vandenbossche, président de Gaia.
QUEL EST L’ABATTAGE HALAL SELON LES PRINCIPES ISLAMIQUES?
En tant que vice-président du Conseil des Théologiens de l’Exécutif des Musulmans de Belgique, pourquoi estimez-vous que l’Islam est opposé à l’abattage après étourdissement?
EMB-Şemsettin Uğurlu: La tradition du sacrifice est vieille de 4000 ans. Elle s’est officialisée avec Abraham mais elle remonte bien plus loin, à Adam. L’idée du sacrifice est présente dans toutes les religions. Son but est de fêter le sacrifice en distribuant la viande aux pauvres et aux démunis. Le mot Kurban1 provient de l’arabe où il signifie, proximité, rapprochement. Ce dont il est ici question, c’est du rapprochement de l’homme avec Dieu. Les musulmans, du fait de leurs devoirs religieux, sont tenus d’abattre rituellement un animal. La responsabilité qui incombe aux états, c’est de faire en sorte que les conditions soient remplies pour que ce rite soit réalisé dans un milieu adéquat et de façon appropriée. Même s’il existe des problèmes concernant l’hygiène, dans les pays musulmans, il n’y a pas de problème pour que la fête du sacrifice soit réalisée conformément aux rites de l’islam.
Quels sont ces rites préconisés par l’Islam?
EMB-Şemsettin Uğurlu: Pour tous les animaux, qu’il s’agisse d’animaux destinés à la consommation halal ou d’animaux destinés à être sacrifiés, il existe des règles d’abattage différentes. Pour les animaux tués lors de la chasse par exemple, il existe des règles particulières. Pour le Sacrifice, d’autres règles s’appliquent. Quel que soit l’animal sacrifié, il l’est au nom d’Allah. Il convient dès lors, au moment du sacrifice, de prononcer les paroles “au nom d’Allah”. Ce qui est important ici, c’est que l’intention soit dirigée vers Allah. C’est une manière de distinguer le sacrifice musulman des sacrifices des époques antérieures qui étaient réalisés au nom d’idoles. Le sacrifice doit aussi respecter quatre principes fondamentaux. Le sacrifice doit être exécuté par des personnes compétentes et par la section simultanée des deux carotides, de la trachée et de l’œsophage. Il est arrivé que, dans certains pays musulmans, le sacrifice fût réalisé par des personnes non compétentes. Cela pose un problème. En outre la montée de l’islamophobie et de l’extrême droite a rendu plus difficile pour les musulmans de vivre leur religion. Avant d’en venir à l’abattage avec étourdissement préalable, il faut en fixer le cadre légal. Concernant les méthodes d’abattage, il existe une décision du Conseil de l’Europe qui dit que, dans les abattoirs, les animaux doivent être étourdis avant d’être abattus. Cependant, le Conseil de l’Europe ajoute qu’il existe des “articles autorisant l’abattage rituel pour raisons religieuses” et que cette question rentre dans le cadre de la liberté religieuse. Cette décision, du fait qu’elle a été prise par le Conseil de l’Europe est non contraignante pour les états. Cependant, le but de l’Union Européenne est que les états se conforment aux décisions du Conseil. Malheureusement, certains états ignorent cette décision et prennent d’autres décisions, particulièrement concernant l’abattage rituel de la fête du sacrifice.
Ainsi, en Belgique, d’abord la région wallonne, et immédiatement après la région flamande, ont décidé de rendre obligatoire l’abattage après étourdissement. Concernant la région bruxelloise, rien n’a encore été décidé mais il semble qu’elle suivra le mouvement. Cette décision, comme nous l’avons dit plus haut, ne respecte pas l’exception accordée par le Conseil de l’Europe dans le cadre de la liberté religieuse. Ils pensent : “nous prenons cette décision en tant que pays ou région libre”. Cette décision est contraire aux droits de l’homme, à la notion d’état de droit, à la démocratie et au vivre ensemble. Cela fait environ 50 ans que les musulmans vivent dans les pays européens. C’est un fait. Outre que les musulmans deviennent européens, il y aussi des milliers d’européens qui choisissent l’Islam et cette décision leur pose des problèmes. Concernant ce sujet, un combat juridique est mené. Vous le savez, de nombreuses associations ont intenté des actions en justice sur cette question. Nous n’avons pas d’autres options que l’action juridique. Quand une décision est prise dans un état de droit, la seule manière de la changer est d’aller en justice. Auparavant, en Belgique, on pratiquait l’abattage sans étourdissement dans des abattoirs provisoires, mais à présent, cela n’est également plus possible.
QUELLES SONT LES CONCEPTIONS DE L’ISLAM CONCERNANT L’ETOURDISSEMENT?
Pour en arriver à l’abattage avec étourdissement préalable, ce qu’on appelle étourdissement n’en est pas vraiment un. Avec la méthode appelée étourdissement, le processus de mise à mort de l’animal est commencé de fait. Ce qu’on appelle étourdissement, c’est l’introduction avec un pistolet ou un autre appareil du même genre, d’une tige de métal dans le cerveau de l’animal. Si l’animal n’est pas abattu dans les 2 ou 3 secondes qui suivent, il meurt quand même. C’est précisément ce point qui est problématique pour l’Islam. En effet, selon les règles de l’Islam, il ne s’agit donc pas d’un étourdissement. Par contre, dans l’abattage selon les rites de l’Islam, avec la section d’un coup de la carotide, l’animal tombe dans une sorte d’étourdissement et comme il est abattu alors très rapidement, il ne souffre que très peu. Bien sûr, pour peu que l’abattage soit réalisé par une personne compétente, le rite islamique est la méthode qui fait le moins souffrir l’animal. Peut-être est-ce la qu’ils ne comprennent pas. Ce que nous appelons abattage sans étourdissement est en fait la même chose que ce qu’ils appellent abattage avec étourdissement préalable, c’est à dire une façon de réduire au maximum la souffrance de l’animal. Avec ce qu’on appelle actuellement l’étourdissement, l’animal meurt au bout de quelques secondes, même s’il n’est pas abattu. Un animal abattu de cette façon est impropre à la consommation selon l’Islam. Sa viande est devenue impure. Cela ressemble à l’histoire suivante : avant, quand un animal se cassait une patte en tombant d’une montagne, on l’abattait de manière halal, pour que sa viande ne soit pas impure. Cela ressemble très fort à ce qu’ils appellent l’étourdissement et où en fait le processus de mort de l’animal a déjà commencé. D’ailleurs, un tel animal ne peut être utilisé pour le sacrifice. C’est une procédure que l’on applique seulement pour l’animal dont la viande est destinée à la consommation (abattre de manière halal l’animal blessé). L’animal qui sera sacrifié doit être choisi parmi les plus forts et les plus sains spécialement pour être sacrifié, car ici, il est question de rituel et de devoir religieux. Il s’agit là d’une différence fondamentale.
GAIA PREND-ELLE POUR CIBLE LA COMMUNAUTÉ MUSULMANE?
Votre combat pour un abattage avec étourdissement préalable suscite le mécontentement de la communauté musulmane, surtout en ce qui concerne les animaux abattus rituellement pour la fête du sacrifice. Beaucoup de gens pensent que cette position empêche les gens de vivre leur religion et que le combat que vous menez s’attaque particulièrement à la religion musulmane. Dans ce contexte, nous avons voulu vous poser la question des raisons pour lesquelles vous vous battez à ce point pour l’abattage après étourdissement.
GAIA-Michel Vandenbosch: Pour nous, le premier principe, c’est, s’il y a une technique capable de supprimer la souffrance de l’animal, de l’appliquer. Il y a un consensus au niveau scientifique pour dire que les moutons, bœufs, vaches…qui sont abattus souffrent énormément. L’Association Européenne des Vétérinaires, l’Agence de Sécurité Alimentaire Européenne, l’Association Belge des Vétérinaires Flamands et Francophones et bien d’autres autorités compétentes en la matière sont unanimes à ce sujet. Quand on sait tout cela, on ne peut plus nier que l’abattage sans étourdissement provoque une grande souffrance chez les animaux. On est obligé de l’accepter. Comme pour toutes les traditions, changer une habitude, une méthode qui existe depuis longtemps dans une société n’est pas facile. Comme nous savons que l’Islam est une religion qui a une position éthique envers les animaux et qu’il interdit que les animaux soient maltraités, nous attendons de la communauté musulmane qu’elle accepte que, comme le montrent les études scientifiques, l’abattage sans étourdissement préalable, fasse souffrir les animaux. Et même, j’ai toujours à l’esprit une anecdote qu’on raconte dans l’Islam. Un jour, le prophète Mahomet se rend dans un marché où l’on vend des chameaux et l’un des chameaux, qui était particulièrement chargé, se penche à son oreille et lui dit qu’il est maltraité et qu’il a besoin d’aide. Ayant entendu ces paroles, Mahomet achète le chameau et le remet en liberté. C’est une histoire très émouvante. En entendant cette histoire, je me suis souvenu d’une histoire qu’on raconte à propos du célèbre artiste Léonard de Vinci et qui recoupe assez bien l’histoire précédente. Un jour, Léonard de Vinci va au marché et là, il voit que des oiseaux sont enfermés dans des cages. Léonard, en disant que tous les oiseaux ont été créés pour voler, achète tous les oiseaux du marché et les remet en liberté. Je trouve cette anecdote particulièrement importante car le comportement semblable de Léonard de Vinci, l’un des plus grands représentants de la culture européenne et celui du prophète Mahomet, le fondateur de l’Islam, nous montre qu’orientaux ou occidentaux, musulmans ou catholiques, nous nous ressemblons tous. Alors, pourquoi ce problème pour ce qu’il en est de l’abattage après étourdissement? Les personnes de l’Exécutif des Musulmans de Belgique avec lesquelles je me suis entretenu ne veulent pas reconnaître que, ainsi que les études scientifiques l’ont prouvé, l’abattage sans étourdissement entraîne une grande souffrance animale. Ici, je ne parle pas des personnes de confession musulmane dans leur ensemble. Le problème, ce sont les autorités qui représentent l’Islam en Belgique! Les personnes avec lesquelles j’ai parlé (turc, nord-africain, marocain, ça ne change rien) n’acceptent pas cette vérité scientifique que “l’abattage après étourdissement est celui qui entraîne le moins de souffrance chez l’animal”. Le fait qu’un ou deux vétérinaires d’origine turque ou arabe disent que trancher la gorge sans étourdir l’animal est la méthode la moins douloureuse n’implique pas que cela soit vrai. Quand la grande majorité des vétérinaires dans le monde dit que l’animal souffre, qu’un ou deux vétérinaires soutiennent une thèse opposée n’implique pas que nous devions l’accepter. Deuxièmement, selon les lois de l’Union Européenne, l’abattage avec étourdissement préalable est obligatoire. Dans sa loi, l’Union Européenne, prévoit seulement une exception pour les animaux abattus dans le cadre de la religion. La manière et la sévérité avec laquelle la loi doit être appliquée sont laissées à l’appréciation des états. A présent, il y a des pays comme le Danemark, la Suède et la Norvège qui ont interdit l’abattage sans étourdissement préalable même pour des raisons religieuses. En tant que Gaia, notre problème n’a jamais été d’interdire un rituel religieux. Notre problème, c’est “s’il existe une méthode capable de réduire au minimum la souffrance de l’animal, vouloir qu’on l’applique”. Il en va de notre responsabilité éthique. Ici, je dois aussi préciser que les études scientifiques montrent que, quel que soit le degré de compétence de la personne qui procède à l’abattage et quel qu’aiguisé que soit le couteau, le fait de trancher la gorge de manière traditionnelle provoque une souffrance très sérieuse chez l’animal.
QUELLES SONT LES CONCEPTIONS DE L’ISLAM CONCERNANT L’ÉTOURDISSEMENT?
Les membres du Conseil des Théologiens (des Sages) de l’Exécutif m’ont expliqué qu’il existait deux méthodes d’étourdissement et qu’aucune d’entre celles-ci n’était un véritable étourdissement. L’une d’entre elle consisterait à enfoncer dans le cerveau de l’animal une aiguille en métal (tige en métal), l’autre serait de frapper avec un objet dur sur la tête de l’animal.
GAIA-Michel Vandenbosch: La méthode d’abattage par introduction d’une tige de métal existe bel et bien. L’autre méthode, frapper sur la tête de l’animal pour l’assommer a été complètement interdite. Même pour des motifs religieux. On ne l’applique en aucune façon. Dans la méthode d’étourdissement par introduction d’une tige en métal dans le cerveau de l’animal, l’animal est mis dans le coma car son système nerveux est paralysé. Le cœur de l’animal continue de battre, mais son cerveau et son système nerveux sont mis hors circuit et de ce fait, il est dans le coma.
On dit que cette méthode n’est pas un vrai étourdissement. En effet, même s’il n’est pas abattu après, l’animal étourdi avec cette méthode meurt. En d’autres termes, l’animal n’est pas étourdi et sa mise à mort est de fait initiée. C’est la raison pour laquelle l’Islam considère que l’animal étourdi avec cette méthode n’est pas propre à être abattu.
GAIA-Michel Vandenbosch: Avec cette méthode, l’animal perd conscience. Son coeur continue de battre. Cela ressemble à un homme qui serait en état végétatif. Si l’animal peut sortir de cet état végétatif, il peut vivre, mais si les théologiens musulmans ont un problème avec cela, je peux le comprendre. Dans ce cas, ils devraient considérer positivement l’électronarcose qui est approuvée par des fatwas dans de nombreux pays musulmans. Avec cette méthode, l’animal ne souffre pas et en plus, la viande des animaux étourdis avec cette méthode est consommée comme viande halal dans les pays musulmans. De nos jours, la Nouvelle-Zélande est le pays au monde qui exporte le plus de viande de mouton halal. Cette viande est vendue avec un certificat halal dans des pays musulmans comme le Mali, l’Indonésie, la Malaisie, l’Egypte, et les musulmans consomment cette viande. En Nouvelle-Zélande, cette viande qui a le certificat halal est la viande des moutons abattus après avoir été étourdis par l’électronarcose. En d’autres termes, alors que là-bas il existe une méthode qui met tout le monde d’accord, ici, les leaders musulmans n’acceptent même pas d’en discuter et bloquent complètement en disant : “nous sommes contre l’étourdissement”. D’ailleurs, la méthode d’étourdissement rendue obligatoire en 2019 en Belgique est précisément l’électronarcose. A ce sujet, le gouvernement, bien qu’il n’existe pas encore d’infrastructures nécessaires pour cette méthode, a fait un pas et à partir de 2019, est obligé de compléter le dispositif pour l’application de cette méthode. C’est à dire, que nous Gaia, et les gouvernements des régions flamandes et wallonnes, qui sommes pour l’abattage après étourdissement, avons fait un pas vers la communauté musulmane. Nous, en tant que Gaia, sommes partisans du dialogue. Mais eux, alors qu’il existe un moyen sur lequel s’entendre, continuent de dire qu’ils sont contre l’étourdissement des animaux avant abattage. Dans ces conditions, on ne peut pas entamer un dialogue.
UN DIALOGUE NE PEUT S’ETABLIR ENTRE LES DIFFERENTES PARTIES
Dans ce débat qui dure depuis environ 10 ans, il y a d’une part Gaia, qui soutient les droits des animaux, et d’autre part, la communauté musulmane. Et vous êtes le vice-président du Conseil des Théologiens de l’Exécutif des Musulmans de Belgique, l’organe qui représente la communauté musulmane de notre pays. A ce sujet, Gaia vous a-t-elle contacté pour comprendre ce que vous vouliez, pourquoi vous étiez contre l’étourdissement et pour essayer de trouver une solution?
EMB-Şemsettin Uğurlu: Vous avez absolument raison et cela fait partie de la politique de base de Gaia. S’ils parlaient et s’entretenaient avec des autorités compétentes en la matière, ils comprendraient eux aussi qu’en fait, alors qu’ils n’existaient pas encore, l’Islam est une religion qui défend le mieux les droits des animaux depuis 1400 ans, et qui a déployé un arsenal juridique pour que les animaux soient bien traités et par exemple, qu’on ne les charge pas trop. Ils verront aussi les règles que notre religion a posées concernant l’abattage des animaux et la fête du sacrifice. Très probablement aussi, ils sont au courant de tout cela et c’est la raison pour laquelle ils ne veulent pas nous parler. Ils préfèrent la provocation et laver le cerveau des gens pour inoculer chez les gens encore un plus de haine et de méfiance face à l’Islam. Personnellement, je me demande quel est le véritable but de cette organisation qui sur le papier semble avoir été créée pour défendre les droits des animaux. Je voudrais que l’on fasse une enquête à ce sujet. Pourquoi a-t-elle été créée, par qui, contre qui? Et par qui est-elle soutenue? Parce que la seule chose qu’ils font, c’est de s’occuper du rituel des musulmans, et de présenter aux yeux de l’opinion publique, et surtout des Européens, les musulmans comme des personnes qui massacrent les animaux. Si vraiment leur but est de défendre les droits des animaux, s’il existe un vrai problème, ils doivent s’asseoir autour de la table pour discuter de ce problème avec les parties concernées, comprendre pourquoi celles-ci agissent comme elles le font et pour essayer de trouver des solutions.
On n’a jamais essayé de parler avec la communauté musulmane? Ils n’ont jamais essayé de dialoguer, si pas avec vous, avec d’autres institutions, comme le Diyanet2 par exemple?
EMB-Şemsettin Uğurlu: La communication se fait de la manière suivante; si la personne que vous avez en face de vous a vraiment l’intention de régler un problème qu’il a avec vous, il fait des efforts. Si vraiment, ce qu’ils défendent, ce sont les droits des animaux, pour régler cela, ils doivent essayer tous les moyens et établir un dialogue. En Europe, des milliers d’animaux sont abattus. Des millions de tonnes de viandes sont exportées. Ce qu’ils font (Gaia), c’est seulement présenter à l’opinion un rite des musulmans comme quelque chose de mal, le dénigrer et essayer d’en empêcher la réalisation, rien d’autre. Ici, on ne peut parler de bonnes intentions. Si leurs intentions étaient vraiment bonnes, nous pourrions nous asseoir et discuter. Nous pourrions leur expliquer ce que nous vous avons déjà expliqué. Nous leur dirions par exemple : “notre religion est une religion qui défend les droits des animaux, vous avez raison, à vrai dire, nous servons la même cause. Vous défendez les droits des animaux et nous, nous vous soutenons à cent pour cent dans ce combat. Ce dont il s’agit ici, c’est d’une prescription religieuse. Afin que nous puissions remplir au mieux nos devoirs religieux, nous voudrions profiter de votre expérience, si quelque chose manque chez nous, corrigeons-le”. Voilà comment il faudrait agir s’il s’agissait de bonnes intentions. Mais à cause des campagnes menées par Gaia ces dernières années, et de certaines de leurs actions comme placarder des affiches provocantes, je doute sérieusement que leur but soit réellement de défendre les droits des animaux.
Bon, ils ne vous ont jamais contacté mais vous, avez-vous contacté Gaia?
EMB-Şemsettin Uğurlu: Malheureusement, alors que j’étais président de l’Exécutif des Musulmans, notre vice-président leur a donné un rendez-vous.
C’est votre vice-président qui a voulu ce rendez-vous, ou bien Gaia?
EMB-Şemsettin Uğurlu: Soi-disant, la demande est venue de leur part. J’ai donc dit : “qu’ils viennent et nous parlerons”. Mais, avant même le rendez-vous, Gaia a fait un communiqué de presse libellé de la sorte “Gaia rencontre l’Exécutif des Musulmans de Belgique”. Suite à cela, nous avons annulé le rendez-vous. Ils ne s’intéressent qu’à l’aspect spectaculaire des choses, mais aucunement au fond de l’affaire. C’est le problème. Comme un président (de parti) ou un politique le ferait, ils vous prennent à leur côté et en disant “regardez, l’Exécutif des Musulmans de Belgique et les théologiens musulmans soutiennent cette affaire d’abattage après étourdissement”, ils essaient de donner une certaine image. Nous ne sommes pas entrés dans leur jeu. Si on interdit, que l’on interdise, mais n’exigez pas de nous que nous pliions devant cette interdiction. Nous, nous introduirons une procédure légale. Ils essaient de faire passer le message comme quoi “les théologiens musulmans, l’Exécutif des Musulmans est derrière nous”. Nous avions déjà vécu cela avec le président de la commission flamande. Ils étaient venus parler avec nous. En fait, leur véritable objectif était de trouver des voix discordantes dans la communauté. Quand vous vous opposez à cette mesure, ils disent qu’une autre personne (musulmane) dit que l’étourdissement est possible. Dans ce cas, parlez avec cette personne qui dit “que c’est possible”. En fait, ils essaient de vous utiliser. Mais ici, il s’agit d’une institution, et en tant qu’institution, nous avons publié un rapport sur les raisons pour lesquelles l’étourdissement n’est pas acceptable. Voilà ce dont ils devraient tenir compte.
Quel est le véritable but de Gaia?
Dans la communauté musulmane, on a le sentiment que le vrai problème de Gaia n’est pas de combattre pour les droits des animaux mais bien de prendre la communauté musulmane pour cible. Alors que la viande d’animaux abattus en Nouvelle-Zélande sous certificat halal est consommée dans de nombreux pays musulmans, le fait qu’en Belgique ce problème ne puisse pas être dépassé provient-il de ce sentiment selon vous?
GAIA-Michel Vandenbosch: Tout d’abord, je voudrais préciser que ni en tant que Gaia, ni en mon nom propre, nous n’avons jamais eu l’intention de discriminer la communauté musulmane, ni aucune autre communauté d’ailleurs, et de l’empêcher de vivre ses croyances religieuses. Cela est tout à fait impossible. Nous avons d’ailleurs des membres musulmans. Nous n’avons pas une règle absurde qui dirait que tout le monde sauf les musulmans pourrait être membre de Gaia! Des années auparavant, dans les années quatre-vingt-dix, au cours d’une manifestation pour les droits des animaux, nous avions précisé que nous étions antiracistes. Certains de nos membres portaient des pancartes où il était écrit “non au racisme!”. Je le dis avec tristesse, personne n’a vu cela, ne le voit! Je vais vous donner quelques exemples qui vous montreront que nous n’avons pas de problèmes avec les musulmans. Il y a de cela quelques années, dans les abattoirs, on pouvait abattre les animaux sans les étourdir préalablement. Toutefois, on ne pouvait pas procéder à l’abattage sans respecter certaines règles. Pour cette raison, j’ai dû intervenir quelques fois quand ces règles n’étaient pas respectées. A ces occasions, les musulmans qui venaient pour sacrifier leurs bêtes me demandaient de l’aide concernant ce non respect des règles ou les mauvaises pratiques qu’ils constataient à l’abattoir. L’un d’entre eux, en me désignant à son ami, disait : “c’est un héros, il ira au paradis car il est ici pour le bien de animaux”. Une autre personne disait au contraire : “non, lui, il ira en enfer, car il est contre nous”. J’étais donc resté entre deux musulmans, l’un me disant que j’irai au paradis et l’autre en enfer. Vers le milieu de l’année 2004, j’ai fait la connaissance de l’Imam de l’Union des Mosquées de Bruxelles. Cet imam connaissait le coran par cœur et n’était pas opposé à l’étourdissement. Il m’a lu un verset du coran. Je ne me souviens pas exactement de tout mais cela disait à peu près ceci : “les oiseaux qui volent dans le ciel et les animaux sont semblables à toi, semblable à l’homme. Nous sommes la même chose”. C’est une très belle phrase. On dit que cela passe dans le coran. L’histoire du prophète Mahomet du chameau, c’est lui qui me l’a racontée. Avec cet imam, nous étions tombés d’accord pour instaurer un dialogue entre Gaia et la communauté musulmane. Je lui avais expliqué la méthode de l’électronarcose. Il avait approché favorablement l’abattage rituel avec électronarcose et nous avions publié ensemble un communiqué de presse disant que ‘l’abattage avec étourdissement respectueux de certaines règles était bien plus conforme à l’esprit de l’islam que l’abattage sans étourdissement.” Nous avions pour projet de travailler à rassembler les autres mosquées de Bruxelles, à faire accepter l’abattage avec étourdissement et d’en définir la méthode la plus appropriée. En d’autres termes, nous étions favorables au dialogue. Malheureusement, ce projet n’a pas abouti. Notre but n’est pas de faire de l’Islam une cible. C’est exactement le contraire en fait. S’accorder sur une méthode d’étourdissement compatible avec l’Islam est positif concernant la façon dont la communauté musulmane est appréhendée. En effet, la communauté musulmane est perçue par le reste de la société comme, “bien qu’elle prétende vouloir le bien des animaux, une communauté qui ne pense absolument pas aux animaux et qui n’est pas prête à changer ses traditions pour le bien-être des animaux.” Malheureusement, de nos jours, les recours en justice introduits par certaines autorités musulmanes après l’interdiction par les régions flamandes et wallonnes de l’abattage sans étourdissement préalable envoient des messages erronés au reste de la société. Cela ne fait que renforcer les préjugés à l’encontre de la communauté musulmane. C’est précisément là le fond du problème. C’est regrettable, mais mon impression est que les leaders de la communauté musulmane ne veulent pas perdre leur force, leur position de leader dans la communauté. Beaucoup de musulmans que je connais ou de musulmans qui viennent me voir pour que je leur explique pourquoi je suis contre l’abattage sans étourdissement préalable, me disent que, tant que l’imam ou les théologiens musulmans donnent leur accord, ils sont favorables à l’abattage après étourdissement.
Je n’ai pas bien saisi ce que vous avez dit concernant les leaders musulmans qui ne veulent pas perdre de leur influence. Quel serait l’intérêt pour les théologiens de l’islam ou les imams d’influencer la communauté musulmane pour qu’elle soit contre l’abattage avec étourdissement préalable? Pourriez-vous en expliquer davantage?
GAIA-Michel Vandenbosch: Cela n’est que mon impression personnelle et ne repose pas sur une étude scientifique. Je pense que le problème est un problème d’ « identité ». Il existe bien sûr des mesures discriminatoires. Les gens font face à des discriminations. C’est tout à fait inacceptable. Nous savons que tout ne va pas pour le mieux dans notre société. C’est un fait que nous devions agir tous ensemble pour combattre ces discriminations. Les gens sentent qu’ils ne peuvent pas vivre pleinement leurs convictions religieuses et je pense que certains imams ou certains leaders religieux utilisent ce sentiment de frustration pour renforcer leur position au sein de la communauté. Ici, je voudrais souligner que tous les imams n’agissent pas de la même façon. Mon but n’est pas de prendre les imams pour cible. Cependant, certains imams ou certains leaders considérés comme compétents pour dire quelque chose à propos de l’Islam, adoptent une position telle que “concernant l’abattage rituel, le dernier mot nous revient” ou “nous sommes l’autorité compétente en la matière” ou encore “nous n’agissons pas en fonction de ce que disent les autres”. Je pense qu’à la base de tout cela, il y a la peur de perdre sa place de leader dans la communauté. C’est un comportement parfaitement humain qui n’a rien à voir avec l’Islam ou avec un autre groupe religieux ou social. Les hommes ne veulent jamais perdre leur position d’autorité ou de prestige. Si nous prenons le cas de l’abattage après étourdissement préalable, une communauté qui depuis des années abat les bêtes sans étourdissement rencontre une communauté qui pratique l’abattage après étourdissement et il n’est pas facile pour elle de s’adapter. Cependant, je voudrais insister sur ceci, le simple musulman, l’homme de la rue, n’a pas, en ce qui concerne l’abattage après étourdissement, une position aussi tranchée que les imams ou les leaders religieux. Les musulmans, qui comprennent que l’animal souffre moins, ne sont pas opposés à l’étourdissement. En d’autres termes, au niveau de la communauté musulmane, ce n’est pas un tellement grand problème. J’ai donné quelques exemples de cela plus haut. De manière semblable, il y a un autre point qui a attiré mon attention. Les premières générations de musulmans- qu’ils soient turcs ou arabes- acceptent beaucoup plus facilement l’abattage avec étourdissement que les musulmans de la jeune génération. La jeune génération, avec une attitude un peu adolescente, se révolte contre ce qu’on leur impose. Si ces jeunes sont en plus utilisés par d’autres courants, on comprend qu’ils n’applaudissent pas à ces nouvelles mesures. Ils voient les lois imposées par l’état comme des actions intentées contre eux, leur mode de vie et leur liberté religieuse.
Bien, et en tant d’années, avez-vous pris contact avec l’Exécutif des Musulmans de Belgique?
GAIA-Michel Vandenbosch: oui, quelques fois.
Ils ont dit que vous les aviez contacté mais, qu’avant même de les voir, vous aviez publié un communiqué de presse disant que vous vous étiez entretenu avec l’Exécutif des Musulmans de Belgique? Ils pensent que cette attitude montre que vous n’êtes pas intéressés par le dialogue mais bien par la réclame et la recherche de publicité. Qu’avez-vous à dire ce sujet?
GAIA-Michel Vandenbosch: Oui, nous avons souhaité partager cela avec l’opinion publique mais nous avons fait cela parce que nous considérons qu’il s’agissait d’un développement positif et non pas en raison d’un quelconque agenda caché. Bien sûr, maintenant que vous nous racontez cela, nous pensons que nous aurions pu faire plus attention. Si nous les avions d’abord vus et ensuite rédigé un communiqué de presse commun, cela aurait sans doute été mieux. Donc, cela signifie que nous avons eu une mauvaise estimation de la situation. Malgré cela, un dialogue est possible. Vraiment, je suis ouvert au dialogue. Cependant, après toutes ces années de combat, nous avons une seule exigence : que l’on reconnaisse préalablement l’étourdissement avant l’abattage, un principe pour lequel nous avons lutté pendant 22 ans. Ensuite, seulement, on pourra discuter sur le fait de savoir quelle est la technique d’étourdissement la plus conforme avec l’Islam.
SI LA METHODE DE L ELECTRONARCOSE DEVIENT PLUS FIABLE ELLE PEUT OFFRIR UNE SOLUTION
J’ai entendu dire que l’on l’appliquait en Allemagne. N’est-il pas possible de considérer un peu plus favorablement la technique de l’électronarcose?
EMB-Şemsettin Uğurlu: On parle de l’électronarcose comme d’une technique d’étourdissement qui pourrait convenir à l’Islam. À ce sujet, il existe des fatwas dans certains pays musulmans. Il s’agit d’administrer un certain voltage aux animaux pour les étourdir. Grâce à cet étourdissement (narcose) l’animal est endormi et souffre moins lors de l’abattage. Cependant, à ce propos, certains problèmes existent. La technique qui administrerait un voltage précis aux animaux selon leurs genres et leurs poids n’est pas encore 100% au point. On constate notamment que certains animaux meurent après l’étourdissement. Ce n’est pas une méthode très saine. Pour nous, du point de vue de l’Islam, et du point de vue humain, la meilleur méthode, comme je l’ai expliqué un peu plus tôt, est l’abattage selon les principes de l’Islam et réalisé par des personnes compétentes. A ce sujet, l’état peut travailler en commun avec nous pour la formation de ces personnes compétentes, le transport des animaux et leur abattage etc….
Bien, si l’électronarcose devient au point techniquement et que les problèmes sont levés, les théologiens de l’Islam seraient-ils favorables à un tel type d’étourdissement?
EMB-Şemsettin Uğurlu: Bien sûr, dans le monde, il existe des fatwas qui autorisent que l’animal soit étourdi par électronarcose et ensuite abattu. Cependant, la technologie n’en est pas encore là. Absolument pas. Par exemple, cette méthode est appliquée aux animaux de basse-cour mais les animaux meurent avant même d’être abattus. Parfois aussi, on l’applique aux moutons. Le voltage qui doit être administré aux grands animaux et aux petits animaux n’est pas le même. A l’heure actuelle, il n’existe pas une technologie qui garantirait que tout se passe bien. La raison pour laquelle l’électronarcose est approuvée par des fatwas est que l’animal auquel cette méthode est appliquée est étourdi et que, quelque temps plus tard, s’il n’est pas abattu, il continue à vivre. Cependant, beaucoup d’animaux meurent à cause de l’électronarcose. C’est pour cela que ce n’est pas une méthode adaptée. Pour nous, la meilleure méthode d’abattage est la méthode islamique. Nous insistons sur ce point. Que l’état vienne et nous dise, organisons des formations pour nous assurer que la méthode islamique soit appliquée dans les meilleures conditions, par les personnes les plus compétentes… Le transport des animaux, leur nourrissage, le choix des emplacements d’abattage etc. C’est d’ailleurs quelque chose que nous souhaitons nous-mêmes. Nous sommes prêts à 100%. Maintenant vous, quand vous fermez toutes les portes et dites que vous êtes opposés uniquement à l’abattage rituel musulman, vous dites en fait que vous vous opposez seulement à ce que les musulmans remplissent leurs devoirs religieux. Si votre but est vraiment de défendre les droits des animaux, alors venez et travaillons ensemble.
Gaia lutte-t-elle contre le foie gras ou la corrida?
Certains vous critiquent en disant que “Gaia lutte avec acharnement contre l’abattage sans étourdissement et convainc les politiques à ce sujet mais n’élève pas la voix contre le gavage des oies (pour la production du foie gras) ou contre les corridas en Espagne”.
GAIA-Michel Vandenbosch: C’est absolument inexact. Si vous regardez sur le site Web de Gaia, vous verrez que nous sommes une organisation qui lutte depuis des années contre le gavage des oies et la production de foie gras. Il y a quelques mois, sur 4 canaux de télévision différents, nous avons fait passer des publicités proposant des alternatives au foie gras. Nous avons fait passer des messages à la radio. 375 mille personnes ont réalisé des actions de protestation dans tous les supermarchés. Pas seulement en Belgique, mais aussi en France. Il suffit qu’ils regardent notre site Web pour savoir que ce n’est pas vrai. Regardez, moi j’ai été menacé de mort, non pas par les musulmans mais par les marchands d’animaux. Il n’y a pas que cela, depuis des années nous nous battons pour que les crustacés ne soient pas ébouillantés vivants. En outre, nous agissons de concert avec les organisations luttant contre la corrida en Espagne. Mais nous ne pouvons pas être partout à la fois.
Pour notre combat, afin d’être le plus efficaces possible, nous définissons nos priorités et les champs dans lesquels nous menons nos actions. En d’autres termes, nous ne nous battons pas seulement contre l’abattage sans étourdissement préalable mais nous nous battons aussi contre cela. Le cœur de notre action, c’et le bien-être des animaux. Concernant nos actions, il n’y a qu’un gagnant ou un perdant et c’est l’animal! Cela fait 22 ans que nous nous battons contre l’abattage sans étourdissement. Depuis 22 ans, le gouvernement dit “non”, les musulmans disent “non”, les juifs disent “non”. Finalement le gouvernement a dit oui. Au Moyen-Âge, on brûlait les chats. Cela faisait rire les gens. Mais maintenant, les temps ont changé. Personne ne peut plus rire en brûlant un chat. Les droits des animaux, l’amélioration de leurs conditions de vie, sont des concepts qui changent avec les époques. De la même façon que de nos jours certaines traditions chrétiennes sont dépassées, existent à présent des moyens qui n’existaient pas à l’époque où l’Islam est né. De nos jours, nous avons des techniques qui permettent aux animaux de moins souffrir et qui sont conformes aux prescriptions religieuses de l’Islam. On peut pratiquer les rituels tout en protégeant les droits des animaux, une notion qui existait déjà d’ailleurs dans la philosophie islamique.
Pourquoi Gaia organise-t-elle à la veille de chaque fête du sacrifice des campagnes dérangeant la communauté musulmane?
Et puis, il y a ces campagnes que vous faites avant la fête du sacrifice. Le fait que ces actons prennent place juste avant la fête, le partage d’images sanglantes et d’abattages sauvages, le placardage partout d’affiches où l’on voit un mouton pleurer du sang, tout cela est perçu par la communauté musulmane comme des provocations et des actions qui visent seulement les musulmans. A ce sujet, qu’avez-vous à dire?
GAIA-Michel Vandenbosch: Bien sûr, je peux comprendre que ces campagnes dérangent les musulmans. Cependant, notre but est de faire passer notre message de la manière la plus efficace possible. Nous vivons dans un pays démocratique et faire passer notre message de la manière la plus efficace est notre droit le moins contestable. De même que, pour la communauté musulmane, vivre et faire vivre la fête du sacrifice dans le sentiment religieux et le partage est un droit inaliénable. Par exemple, certains canaux de télévision sont invités avec leurs caméras dans les familles musulmanes pour montrer comment celles-ci vivent la fête du sacrifice. Ces tournages se font pendant la fête et sont diffusés également pendant la fête. Ni avant ni après car il faut montrer cela à la période de la fête.
Il en va de même pour nous. En effet, la fête du sacrifice est un moment où des animaux sont abattus sans être étourdis et souffrent. Il est donc logique que nous menions des actions. Mais nous en menons également à d’autres périodes. Par exemple, le jour où les parlements wallons et flamands allaient voter la loi sur l’obligation de l’abattage après étourdissement était un jour où nous menions une action. Ce sont des dates importantes mais en dehors de ces dates chaque année nous menons aussi des actions, simplement elles sont moins visibles qu’à ces dates symboliques! Je voudrais une fois encore souligner ceci : ces campagnes n’ont jamais pris pour cible la fête du sacrifice. La fête du sacrifice est d’ailleurs une fête solidaire où ceux qui possèdent quelque chose le partagent avec ceux qui sont démunis. Nous, nous sommes simplement opposés au fait que cette fête de la solidarité se vive en faisant souffrir des animaux. Avec l’affiche de l’année passée à Bruxelles où l’on voyait le mouton pleurer du sang, nous avons voulu faire passer le message suivant : l’animal souffre! Ces affiches ont été collées la veille de la fête du sacrifice. Avec ces affiches et les actions entreprises devant le parlement bruxellois, nous poursuivions un but, celui-là : les parlements wallons et flamands ont interdit l’abattage sans étourdissement préalable, mais pas le parlement bruxellois. Nous voulions donc forcer le parlement bruxellois à prendre une décision semblable. Notre but est que les animaux vivent dans de meilleures conditions et pour cela, en faisant les campagnes les meilleures et les plus efficaces possible, assurer un changement dans la bonne direction.
Comment Gaia assure-t-elle son financement?
Il y a, dans une partie de la communauté musulmane et auprès de certains leaders religieux, une grande défiance par rapport à Gaia. Plus particulièrement, l’ampleur de vos campagnes et votre capacité d’influence font naître des soupçons quant à vos sources de revenus.
GAIA-Michel Vandenbosch: En tant que Gaia, nous ne recevons pas d’aide de l’état. De cette façon, nous protégeons notre indépendance. Nous ne sommes liés à aucun gouvernement. Nous sommes une association belge qui existe depuis 1992 et nous avons 40 mille membres. Tous ces membres paient des cotisations. De temps en temps, ils font des dons. En effet, ces gens croient à l’utilité de ce que nous faisons. Ils veulent faire progresser les droits des animaux. Il y en a aussi qui laissent leur héritage. C’est de la même façon que travaillent les associations luttant contre le cancer ou Médecins sans Frontières. A côté de cela, Gaia est membre de nombreuses associations de défense des droits des animaux et nous siégeons dans les conseils d’administration de certaines. Nous faisons partie de Eurogroup for Animals et aussi de For Free Alliance qui lutte au niveau mondial contre l’élevage d’animaux pour en faire des fourrures. Nous travaillons aussi avec the European Coalition to End Animal Experiments qui mène un combat pour que les animaux ne soient plus utilisés pour des expériences scientifiques. Nous faisons également partie de Open Wing Alliance, une association qui lutte contre la production d’oeufs en tenant les poules enfermées dans des cages minuscules (550 cm2 pour une poule). Dans tous les domaines nous participons aux travaux pour la défense des droits des animaux. L’interdiction de l’abattage sans étourdissement préalable n’est qu’un de nos combats.
CONCERNANT L ABATTAGE APRÈS ÉTOURDISSEMENT, QUE CONTIENT LA FATWA DU MINISTÈRE TURC DES AFFAIRES RELIGIEUSES?
Sur son site web, le Conseil des Affaires Religieuses de la République de Turquie avait publié une fatwa approuvant l’abattage après électronarcose, puis ensuite l’avait enlevée. Nous avons demandé au directeur du Diyanet en Belgique, monsieur Coşkun Beyazgül, pourquoi cette décision du Conseil des Affaires Religieuses ne serait pas appliquée en Belgique : “Le Conseil des Affaires Religieuses a autorisé cette pratique en Turquie dans certains cas précis mais comme il ne l’a pas trouvé appropriée pour la communauté turque vivant à l’étranger, nous avons levé cette autorisation”. Beyazgül : “ L’abattage après étourdissement, que le Conseil des Affaires Religieuses avait autorisé en Turquie pour certains cas bien précis, ne doit pas être compris comme une façon permanent de vivre un rituel religieux. En Belgique, la situation est celle de pouvoir vivre nos croyances religieuses comme il le faut et cela d’une manière permanente. Il ne s’agit pas d’une situation provisoire. Cette fatwa (décision) avait été émise provisoirement dans le cadre d’une situation spéciale. D’ailleurs, actuellement, elle a aussi été retirée”.
Serpil Aygün,Reportage du numéro avril-mai-juin 2018
- UN DEBAT QUI N’EN FINIT PAS : L’ABATTAGE AVEC OU SANS ETOURDISSEMENT PREALABLE!
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